Une journée chargée d’émotions au pays des Tatas Somba ! (Le 28/11/2015)
Nous sommes de retour à Natitingou après une petite semaine passée à Tanguieta. Malik nous a indiqué un hôtel qui propose des chambres correspondant à notre budget et à notre grand étonnement, nous sommes accueillis dans un endroit assez luxueux avec de grandes chambres classes, un restaurant, internet (ouahh, ça c’est vraiment le luxe !) et il y a même une piscine !
La ville s’étire sur des kilomètres, le long de l’axe goudronné principal. Autrement dit, un centre-ville pas très central mais plutôt très longitudinal ! Après avoir parcouru les environs proches de l’hôtel, dès le premier jour, nous avons déjà notre carnet rempli de bonnes adresses ! Nous avons sympathisé avec Mathieu, le boulanger du coin, un grand bavard rigolo chez qui et avec qui nous prenons tous nos petits déjeuners, sa voisine, chez qui nous nous approvisionnons en jus de Bissap bien glacé et l’épicière du coin qui nous fournit en « amuse-gueule » bon marché. Il est impressionnant de voir avec quelle facilité il est possible de nouer contact avec les Béninois. Ils sont décontractés, blagueurs et vraiment sympathiques !
La journée de notre escapade au pays des Tatas Somba restera gravée dans nos mémoires ! Tout d’abord, nous chevauchons deux zems (taxi moto) pour nous rendre à la gare routière d’où les taxis partent pour Boukombé en faisant escale à Koussoukoingou, à une trentaine de kilomètres de Nati.
On nous a prévenus, les taxis sont rares et ils attendent d’être pleins pour décoller. Nous sommes les premiers clients! Lorsque nous jetons un œil à la voiture, nous prenons réellement conscience de la signification du terme « taxi-brousse ».
Notre taxi-brousse, pendant l'attente de passagers supplémentaires
La voiture tombe en ruines, un très vieux modèle Peugeot dont nous ne connaissions pas même l’existence, et lorsque le conducteur ouvre le capot, nous prenons un peu peur. Il semble manquer la moitié des pièces. On nous rassure, il ne manque « que » le système de refroidissement. Ouf, nous avons failli avoir peur …! Cela ne nous met pas du tout en confiance, d’autant plus lorsque nous voyons comment s’effectue le démarrage de la voiture : en la poussant en marche arrière, du jamais vu ! Le chauffeur nous demande de patienter, le temps qu’il aille charger la voiture et le temps de trouver les autres passagers. Après bien 1h30 d’attente, nous ne comprenons pas pourquoi nous attendons toujours puisque 5 personnes sont déjà dans la voiture. On nous annonce qu’il va falloir en trouver encore 5 supplémentaires ! Quoi ? Mais à combien allons-nous devoir rentrer dans cette voiture, certes break, mais qui reste une 5 places? Le chauffeur nous répond qu’il embarque 10 personnes en plus de lui-même! Incroyable ! Nous voyons son apprenti installer une banquette arrière dans le coffre (sièges provenant d’une autre voiture).
Finalement, nous parvenons à réunir le nombre de passager nécessaire et nous nous emboîtons comme des sardines dans le vieux tacot. 4 personnes sont à l’arrière-arrière (2 adultes, 1 enfant et 1 bébé), 5 personnes sur la banquette intermédiaire (nous 2, 2 autres adultes et un enfant) et le plus surprenant, 4 personnes à l’avant : un couple sur le siège passager, l’apprenti sur la boîte de vitesse avec un pied de chaque côté du pommeau, partageant le siège du conducteur avec ce dernier, si ce n’est les pédales également…
L’instant est trop mémorable pour ne pas sortir l’appareil photo et immortaliser la scène en prenant une photo de famille ! Heureusement, tout le monde est de bonne humeur et souriant, nous faisant oublier le manque de place !
Banquettes intermédiaire et arrière
Occupation des sièges à l'avant (nous n'apercevons pas le mari de la femme à gauche et le chauffeur à droite) et de la banquette intermédiaire
Nous partons donc à 13 dans une 5 place et après 100m, le chauffeur juge bon de regonfler ses pneus, nous demandant de rester à l’intérieur, ça ne dérange pas ! Nous repartons et à la sortie de la ville, empruntons une route de terre rouge parsemée de cailloux. Après une enième pause, cette fois-ci au niveau d’une maison sur le bord de la piste pour remettre de l’eau à la place du liquide de refroidissement, l’inévitable arrive, nous crevons. Lorsque nous voyons le pneu de secours que le chauffeur s’apprête à mettre, nous avons de sérieux doutes sur la durée de vie de ce dernier. Peut-être 5 voire 10 minutes supplémentaires sur cette route parsemée d’embuches!
Etat du pneu qui vient de nous lâcher
Etat du pneu de secours!!!
Mais là n’est pas le problème, nous avons certes, un pneu de rechange mais pas le cric pour monter la roue ! Nous patientons donc sur le bord de la route déserte en attendant qu’une voiture s’arrête pour nous prêter main forte ! Pendant ce temps, l’apprenti est reparti chercher de l’eau pour refroidir le moteur…
Dans la brousse, sous un soleil de plomb, durant l'attente de renforts
Finalement, après une bonne dose de patience, nous ne savons pas par quel miracle nous finissons par atteindre le village de tatas, contents de quitter le tacot et souhaitant bonne chance aux autres passagers!
Là, nous rencontrons un guide très intéressant qui nous fait la visite du village. Il est Otammaris, peuple vivant dans les tatas et porte une grande quantité de fines scarifications sur le visage. Il nous indique que cette pratique était l’unique moyen qui permettait, à l’époque, de distinguer les différents peuples. Elles étaient effectuées lorsque les enfants avaient 2 ans. A présent, cette pratique ne se fait plus systématiquement. Cette distinction faciale n’est plus nécessaire et de plus les infections sont fréquentes car elles sont effectuées pour tous avec un seul et même couteau.
Les tatas sont dispersées entre des parcelles de cultures diverses et variées qui permettent aux villageois de s’auto suffire. Nous apprenons une quantité de choses sur la culture des champs de maïs, manioc, igname, gombo, sorgou, piment, … et l’utilisation des fruits du baobab (donnant une poudre sucrée et acide servant à faire du jus et une graine que l’on utilise dans la sauce), karité (pour le beurre) ou encore néret (dont les graines servent à faire de la moutarde et le contour du fruit à enduire les murs de terre des tatas pour les solidifier).
Récolte des épis de maïs. Ces derniers sont secs et seront réduits en farine (manuellement ou au moulin de la coopérative)
Baobab et ses fruits non encore mûrs
Nous visitons l’une des tatas. Elles sont impressionnantes et ressemblent à de petites forteresses, à la base, destinées à se prémunir des attaques des peuples ennemis. Les murs sont entièrement et uniquement constitués de terre (et petits cailloux) que l’on a humidifiée et pourtant ils donnent l’impression d’être résistants comme du ciment. Ils sont enduits d’une couche de terre sur laquelle de jolis motifs sont dessinés.
Tata sacrée non habitée
Trophés de chasse postés à l'entrée de la tata. Mur striés de dessins faits à la main.
Le plafond des pièces du bas est fait de branches de bois qu’il faut remplacer régulièrement et les toits sont de paille tressée, renouvelés tous les 3 ans.
Cuisine où les épices et céréales sont broyées/moulues à l'aide d'une pierre. On aperçoit le toit fait en branches de bois.
La sauvegarde des tatas demande énormément d’entretien et toute la famille aide le benjamin, à qui il revient de prendre soin de la Tata, les aînés allant habiter des maisons plus simples à côté. Les chambres sont toutes situées sur la terrasse, à l’étage supérieur, de même que les greniers pour stocker les récoltes.
Terrase de la Tata avec 2 chambres visibles (la première au premier plan et celle) ainsi qu'un grenier (avec un long toit de paille et une échelle) où sont stockées les céréales
Nous en apprenons un peu plus sur la culture de ce peuple. Une cérémonie est célébrée lorsque les jeunes arrivent à leurs 18 ans, symbolisant leur passage à l’âge adulte. Tout un rituel est respecté durant toute une semaine. Suite à cela, les personnes sont aptes à se marier. Les mariages se font au vouloir des 2 intéressés et ne sont plus forcés, les divorces sont acceptés. Nous parlons un peu politique et discutons du fait qu’il nous semble que les Béninois soient un peu sanguins et ont tendance à vite s’emporter malgré leur tranquillité apparente. Notre guide nous répond en souriant qu’en général, contrairement au sud, ce ne sont que des mots et qu’il y a rarement des échanges de coup car s’il y en a, la personne ayant reçu les coups peut porter plainte et la personne ayant frappé devra lui payer 5 000 F.CFA par coup porté (soit 1 000 F.CFA par doigt de la main), ce qui donne de quoi se rappeler à la raison assez rapidement.
Défilé de vendeurs de rue
Sur cet intéressant échange, nous prenons congé de notre guide et patientons à l’ombre d’un manguier en guettant le passage d’un taxi-brousse pour nous ramener à Nati. Nous apprenons par un passant que le taxi avec lequel nous étions venus a crevé une deuxième fois avant d’arriver à destination, la ville suivante. Nous espérons secrètement que ça n’est pas avec celui-ci que nous rentrerons. Mais nous ne savons pas si c’est exactement ce que nous aurions dû espérer lorsque nous montons dans le taxi qui se présente après bien une heure d’attente. La voiture est dans un état tout aussi lamentable que la première si ce n’est pire. Le pot d’échappement s’est détaché et traîne par terre. Nous nous arrêtons tous les 2km pour le refixer avec une corde et comme le chauffeur ne semble pas percuter que la cause du détachement est sa vitesse, il fonce à toute allure sur les nids de cailloux, nous recommençons l’opération toutes les 5 minutes. Le seul point positif est que nous sommes les 2 seuls passagers, nous avons donc de l’espace. Mais comparé aux frayeurs que nous avons avec ce chauffeur, nous préfèrerions être 15 ! Malgré tout ce que nous pouvons lui dire, il fonce à toute allure ne contrôlant absolument pas le véhicule qui manque de se retourner ou de nous lâcher à tout moment. La route nous semble interminable et nous nous demandons réellement si nous allons arriver en vie à bon port. Heureusement pour nous, le sort a décidé de nous garder encore un temps et nous sortons de l’épave en vie. Quelle journée !!!