Potosi et sa mine d'argent (Le 26/09/2015)
Après un trajet de nuit, durant lequel le chauffeur a décidé de s’arrêter à peu près toutes les 2 heures pour que les gens aillent aux toilettes (et peut être se reposer lui-même), nous arrivons à Potosi le lendemain matin comme après avoir passé une nuit blanche ! Le faible prix du billet était justifié !
C’est dans l’une des villes les plus hautes du monde (4 070m) que nous mettons les pieds (500m plus haut que Lhassa au Tibet!). Ici encore, nous retrouvons la grosse fête avec défilés, la fanfare, les stands et compagnie !
Pour le moment, nous avons un peu du mal avec la nourriture en Bolivie, qui est assez particulière. Un plat qui nous semble bon peut vite s’avérer ne pas l’être une fois mis en bouche… Heureusement, il nous a été conseillé de manger des pizzas, plat étonnamment répandu dans le pays. Le soir nous dégotons une pizzeria et cela va mieux !
Nous découvrons que la Bolivie est un pays très engagé politiquement. En discutant avec les habitants de Potosi, nous nous rendons compte qu’ils sortent de 27 jours de grève générale (Les Boliviens n'hésitent pas à descendre dans la rue quand il y a un soucis, nous retrouvons les vieilles habitudes françaises!). Ils nous parlent beaucoup du président Morales. Ils n’en sont absolument pas satisfaits car il ne leur accorde pas l’aide promise lors de ses discours. En effet, la ville n’est pas en bonne situation. Ceci parait incroyable lorsque l’on sait qu’elle possède une mine (le Cerro Rico) dont il est dit qu’il a été extrait tant d’argent, que l’on aurait pu construire un pont de ce minerai traversant l’Atlantique et reliant cette mine à l’Espagne (pays dont étaient d’origine les conquistadors)… mais que l’on aurait également pu construire un pont retour avec les corps des mineurs qui y ont péri. De plus, tout cet argent n’a profité qu’à l’Europe et les habitants de Potosi n’en n’ont pas vu la couleur.
Cerro Rico, la montagne renfermant les galeries des mines
D’après les écrits (notre guide) et un petit tour des environs, nous remarquons que la ville conserve des marques de richesse : anciennes maisons de conquistadors à colombages et balcons de bois sculptés, bâtiments imposants et cossus, cathédrales et églises. Fût un temps, elle était la ville la plus peuplée d’Amérique du Sud.
En nous intéressant de plus près au passé, nous apprenons que les conquistadors ont fait périr des milliers d’esclaves importés d’Afrique en les envoyant travailler dans la mine. Ces derniers y avaient une durée de vie de 2 à 3 semaines. Voyant que l’affaire n’était pas rentable, trop de frais pour un moindre bénéfice, ils ont décidé d’envoyer les indigènes, « main d’œuvre » présente sur place. La durée de vie de ces pauvres gens n’était guère plus élevée mais ils résistaient un peu plus longtemps, n’ayant pas besoin de période d’acclimatation à l’altitude.
Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui profite des Boliviens sans éducation, qui n’ont d’autre choix que d’aller se tuer au travail dans les galeries souterraines. Il ponctionnerait 70% des richesses produites. Il est plus facile de comprendre pourquoi le président rechigne à intervenir pour changer les conditions de vie à Potosi et préfère investir dans d’autres villes telles que Sucre ou La Paz. Personne ne connait la durée pendant laquelle la mine continuera à fournir des minerais (aujourd’hui, il n’y a plus d’argent à l’état pur, ce sont des alliages). De plus, suite à la percée perpétuelle de nouvelles galeries, la montagne menace de s’effondrer. Ce site est classé « patrimoine mondial de l’UNESCO » mais figure sur la liste « en péril » pour toutes les raisons citées. Le sort des mineurs est sur la scelette et l’économie de la ville également…
Nous avons décidé d’aller visiter ces mines et y avons découvert un travail totalement archaïque ! Tout y est effectué à la main, il n’y a aucune machine pour soulager la pénibilité de la tâche.
Wagon que les mineurs remplissent de minerais/roches avant de le tirer sur des rails (qui disparaissent par endroits) pour le conduire à l'extérieur
Pour tenir le coup, les mineurs mâchent à longueur de journée des boules énormes de feuilles de coca, qu’ils coincent au niveau de leurs joues. Cela leur permet de se maintenir éveillé et de lutter contre la faim car il est interdit de manger durant les 8 heures de travail qu’ils effectuent d’une traite dans la journée.
Mineur mâchant sa boule de feuilles de coca
Feuilles de coca et différents activateurs de salive (pâte grise = céréale couplée à du sel, bicarbonate de soude, sachet noir = activateur sucré), permettant de générer l'absorption de coca à chaque déglutition
Les galeries sont, au mieux, de la taille d’un homme, la plupart du temps, de la taille d’un homme courbé. Nous sommes éreintés, même après le peu de temps qu’a duré la visite, alors nous imaginons ce que cela représente pour les mineurs.
Entrée de la mine de l'association GreenGo
Galerie dans la mine
Il y a plusieurs associations de mineurs qui se partagent la montagne, certaines étant plus anciennes, plus grandes et donc plus riches que d’autres.
Le salaire moyen d’un mineur est de 100 bolivianos/jour (soit 13€) mais il faut savoir que les mineurs ne sont payés qu’à ce qu’ils extraient (s’ils n’ont pas la chance de tomber sur un filon de minerai, ils auront travaillé pour rien) et ils doivent se procurer eux-mêmes le matériel pour travailler. Des croyances se sont ainsi développées et chaque mine possède un « Tio » (démon) que les mineurs vénèrent afin de rester en vie (les accidents ne sont pas exclus) et de tomber sur de bons filons.
Démon des mines, vénéré par les mineurs
Avant de nous rendre dans la mine, l’association par laquelle nous sommes passés nous a amené au marché des mineurs afin acheter de la dynamite (en vente libre !) pour l’offrir à ces derniers.
Boutique où viennent se fournir les mineurs
Unique opportinuté d'avoir de la dynamite dans les mains!
Nous avons choisi d’y aller avec l’agence GreenGo, qui est l’une des seules agissant avec une certaine éthique et surtout, une réelle envie d’améliorer la condition des mineurs. Le point primordial est d’éduquer les générations futures afin qu’elles ne soient pas contrainte de finir à la mine. D’autres agences sont plutôt animées par l’appât du gain et nous ne les recommandons pas (ex : Koala), à éviter absolument.
Avant de quitter la ville, nous avons profité de la journée mondiale du patrimoine et avons également visité la Casa de Moneda, autre entité qui témoigne des atrocités commises par les Conquistadors Espagnols. S’y effectuait la fabrication des pièces de monnaie (de plusieurs pays). La tâche du travail du métal, pénible à souhait, était assurée par les esclaves africains, dont la durée de vie n’était guère plus élevée que dans la mine.
Masque situé à l'entrée de la Casa de Monada